L’« ennemi le plus dangereux d’Israël » est mort, et il est interdit de s’en réjouir. C’est l’ordre qu’ont reçu les ministres de Benyamin Nétanyahou après l’annonce de l’assassinat de Qassem Soleimani. Le général iranien avait pourtant été érigé au rang de croque-mitaine officiel par Nétanyahou. L’Etat hébreu, principal allié des Etats-Unis dans la région, se sait en première ligne en cas de riposte des supplétifs de Téhéran, à portée des missiles du Hezbollah libanais et des roquettes du Jihad islamique à Gaza.
Le Hezbollah a fait savoir qu’il était de la « responsabilité » de l’axe de « résistance » de venger Soleimani « partout dans le monde ». Bassem Naïm, haut dirigeant du Hamas chargé des relations extérieures du mouvement islamiste, a estimé que la frappe américaine « ouvrait la porte à toutes les possibilités, sauf celles du calme et de la stabilité ».
« Coup dur »
Le Premier ministre israélien a décidé vendredi matin de couper court à son week-end en Grèce. Il s’est fendu d’un commentaire : « Tout comme Israël, les Etats-Unis ont le droit de se défendre. Trump a eu le mérite d’agir rapidement, avec force et détermination. » Dans le même temps, le cabinet de sécurité israélien s’est réuni à Tel-Aviv sous l’égide du ministre de la Défense, le faucon Naftali Bennett. Lequel prophétisait il y a quelques semaines que la Syrie, théâtre d’une guerre larvée depuis plus de deux ans entre Israël et les forces Al-Qods de Soleimani, était en train de devenir « le Vietnam de l’Iran ».
Que change la disparition de Soleimani pour Israël, qui se targuait en juillet d’être alors « le seul pays au monde à tuer des Iraniens » ? « D’un point de vue opérationnel, c’est un coup très dur porté à Téhéran, estime le général retraité Yaakov Amidror, ex-conseiller à la sécurité nationale. Soleimani avait une expertise, une influence et une résilience hors norme. Cela fait partie des cas où une élimination peut avoir un réel impact au-delà du symbole, comme avec l’élimination d’Imad Moughniyeh », le « chef d’état-major » du Hezbollah, assassiné par Israël à Damas en 2008.
Veto
A l’heure actuelle, impossible de dire dans quelle mesure Israël a pu être associé ou averti du raid américain sur l’aéroport de la capitale irakienne. Deux jours plus tôt, Nétanyahou et le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, avaient échangé au téléphone au sujet « des actions importantes des Américains contre l’Iran et ses supplétifs dans la région », selon le communiqué envoyé de la rue de Balfour à Jérusalem.
Mi-octobre, le chef du Mossad, Yossi Cohen, assurait dans un entretien au magazine religieux Mishpacha que l’assassinat de Soleimani n’était « pas impossible ».
En 2008, le Mossad était à quelques secondes de tuer Soleimani, comme le raconte le journaliste d’investigation Ronen Bergman dans son ouvrage référence, Rise and Kill First (2018, non traduit). Les espions israéliens avaient alors piégé la voiture d’Imad Moughniyeh à Damas, et attendaient le moment opportun pour faire détonner leur explosif. Voyant Soleimani et Moughniyeh monter ensemble, ces derniers demandèrent la permission à leurs supérieurs de faire « d’une pierre deux coups ». Mais le Premier ministre israélien Ehud Olmert, sous la pression de George W. Bush, avait mis son veto à l’assassinat de l’Iranien. Toucher à Soleimani aurait été perçu comme une déclaration de guerre, alors qu’Israël préférait déjouer les plans des forces Al-Qods en Syrie par des frappes longtemps non revendiquées.